Ahmad ibn-al-'Abbas ibn Rashid ibn-Hammad ibn-Fadlan
(Ibn Fadlan)
877 – 960
fut un lettré d’origine arabe du Xeme siècle qui a laissé un récit de ses voyages comme membre de l’ambassade du Calife de Bagdad au roi des Bulgares de la Volga.
Ibn Fadlan a été envoyé de Bagdad en 921 comme secrétaire d’un ambassadeur du Calife abbasside Al-Muqtadir à Almış, le roi des Bulgares de la Volga.
Le but de l’ambassade visait à obtenir du roi des Bulgares un hommage au Calife, en échange de quoi il recevrait de l’argent pour la construction d’une forteresse. Partie de Bagdad le 12 juin 921, l’ambassade passa par Boukhara, Khwarizm (au sud de la mer d'Aral), Jurjaniya (où ils passèrent l’hiver), au nord de l’Oural avant d’arriver, après maintes difficultés, chez les Bulgares aux trois lacs de la Volga au nord de Samara le 12 mai 922.
Cette mission fut un échec car ils ne réussirent pas à collecter l’argent destiné au roi.
Après son arrivée à Bolğa, Ibn Fadlan se rendit à Wisu où il consigna ses observations sur le commerce entre les Bulgares de la Volga et les tribus finnoises locales.
Ibn Fadlan consacre une partie non négligeable de son récit à la description d’un peuple qu’il nomme les Rūs’ou Rūsiyyah identifiés par la majorité des érudits comme étant les Rus' ou Varègues, ce qui ferait de son récit un des premiers portraits des Vikings.
Ibn Fadlân a inspiré un roman de Michael Crichton, Le Royaume de Rothgar, lequel a inspiré le film Le 13e Guerrier.
Vous trouverez dans les pages suivantes, un extrait du récit d'Ibn Fadlan, qui raconte sa rencontre avec les vikings Rus qu'il a rencontré lors de son voyage.
J'ai vu des Rus, qui étaient venus pour leur commerce et étaient descendus près du fleuve Atil. Je n'ai jamais vu corps plus parfaits que les leurs. Par leur taille, on dirait des palmiers. Ils sont blonds et de teint vermeil (Rouge). Il ne portent ni tuniques ni caftans, mais un vêtement qui leur couvre un côté du corps et leur laisse une main libre. Chacun d'eux a avec lui une hache, un sabre et un couteau et ne quitte rien de ce que nous venons de mentionner.
Leurs sabres sont des sabres à large lame, striée de rainures, semblables à des sabres francs. De l'extrémité des ongles jusqu'au cou, le corps de chacun d'eux est tatoué en vert de dessins représentant des arbres, des figures, etc.
Toutes leurs femmes ont, sur leurs seins, une boite de fer, d'argent, de cuivre, d'or ou de bois, selon le degré de richesse de leurs maris et leur importance sociale. Dans chaque boite en forme de cercle, il y a un couteau, le tout attaché sur les seins.
Elles portent au cou des colliers d'or et d'argent, car tout homme, dès qu'il possède dix mille dirhams, (l'équivalent, du moins) fait confectionner pour sa femme un collier, et s'il en possède vingt mille, il lui fait faire deux colliers et ainsi de suite ; Dès que sa fortune augmente de dix mille dirhams, il ajoute un collier à ceux que sa femme possède déjà, de sorte qu'il peut y avoir sur le cou d'une seule femme plusieurs colliers.
Les plus précieuses des parures sont constituées chez eux par des perles de verre, vertes, de même fabrication que les objets en céramique que l'on trouve sur leurs bateaux. Ils les payent d'un prix exagéré, car ils achètent une telle perle de verre au prix d'un dirham. Ils les enfilent en sautoir pour leurs femmes.
Ils sont les plus malpropres des créatures de Dieu. Ils ne se nettoient pas des souillures produites par les excréments ou l'urine ; ils ne se lavent pas après les relations sexuelles ; ils ne se lavent pas les mains après le repas. Ils sont comme des ânes errants.
Quand ils arrivent de leur pays, ils ancrent leurs bateaux sur le fleuve Atil, qui est un grand fleuve, et construisent sur le bord de grandes maisons de bois. Dans une seule et même de ces maisons sont réunies dix et vingt personnes, plus ou moins. Chacun a un lit sur lequel il s'assied.
Avec eux sont de belles jeunes filles esclaves destinées aux marchands. Chacun d'entre eux, sous les yeux de son compagnon, a des rapports sexuels avec son esclave. Parfois tout un groupe d'entre eux s'unissent de cette manière, les uns en face des autres. Si un marchand entre à ce moment pour acheter à l'un d'eux une jeune esclave et le trouve en train de cohabiter avec elle, l'homme ne se détache pas d'elle avant d'avoir satisfait son besoin.
Chaque jour, il faut qu'ils se lavent le visage et la tête, et il le font de la façon la plus sale et la plus malpropre qui soit. En effet, chaque matin arrive la jeune servante portant un grand bassin contenant de l'eau. Elle le présente à son maître , il s'y lave les mains et le visage, ainsi que les cheveux. Il les lave et les dénoue au moyen du peigne dans le bassin, puis il s'y mouche et y crache et fait toutes les saletés possibles dans cette eau. Lorsqu'il a terminé, la servante porte le bassin à celui qui est à côté de lui. Elle continue a faire passer le bassin de l'un à l'autre jusqu'à ce qu'elle l'ait fait passer à tour de rôle à tous ceux qui sont dans la maison. Et chacun d'eux se mouche et crache et se lave le visage et les cheveux dans ce baquet.
Au moment où leurs bateaux arrivent à ce port, chacun d'eux en sort, portant avec lui du pain et de la viande, des oignons, du lait et du nabidh (Vin), et marche jusqu'à ce qu'il arrive à un long pieu de bois fiché en terre, ayant un visage semblable à celui d'un homme et autour duquel sont de petites idoles (litt. Figures) ; derrière des idoles sont de longs pieux de bois fichés en terre. Chacun d'eux se prosterne devant la grande idole en disant « Ô mon Seigneur, je suis venu d'un pays lointain et j'ai avec moi tant et tant de jeunes filles esclaves, tant et tant de peaux de martre... », jusqu'à ce qu'il ait énuméré tout ce qu'il a apporté avec lui d'objets de commerce. Puis, il dit « Je t'ai apporté ce présent ». Puis il laisse ce qu'il a avec lui devant le pieu de bois et il dit : « Je voudrais que tu me fasses la faveur de m'envoyer un marchand ayant des dinars et des dirhams en grand nombre et qui m'achète tout ce que je désirerais et qui n'entre pas en contestation avec moi dans ce que je dirai ». Puis, il s'en retourne.
S'il a des difficultés à vendre et que son séjour se prolonge, il revient avec un autre cadeau une deuxième fois et une troisième fois. S'il lui est impossible d'obtenir ce qu'il veut, il porte à chacune des petites idoles un cadeau et lui demande son intercession en disant « Ce sont les femmes de notre Seigneur, et ses filles ». Et ainsi, il continue à adresser successivement, sollicitant son intercession et s'humiliant devant elles. Parfois la vente lui est facile, et après avoir vendu, il dit « Mon Seigneur a satisfait à mes besoins et il convient que je le récompense ». Alors il va prendre un certain nombre de moutons ou de vaches, les tue, distribue en cadeau une partie de la viande, emporte le reste et le dépose devant cette grande idole et devant les petites qui sont autour d'elles, et il suspend les têtes des moutons et des vaches à ces pieux de bois fichés en terre. Quand arrive la nuit les chiens viennent et mangent tout cela. Et celui qui a fait cette offrande dit « Mon Seigneur est satisfait de moi et a mangé le présent que je lui ai apporté ».
Si l'un d'entre eux est malade, les autres dressent pour lui une tente à côté d'eux. Ils l'y placent, y mettent avec lui un peu de et d'eau et ils ne s'approchent de lui ni ne lui parlent ; ils ne viennent même pas le voir tous les jours (var. Ils viennent le voir tous les trois jours), particulièrement si c'est un pauvre ou un esclave. S'il guérit et se rétabli, il revient vers eux et s'il meurt, alors ils l'incinèrent. Si c'est un esclave, ils le laisse dans sa situation de sorte que les chiens et les oiseaux de proie le dévorent.
S'ils attrapent un voleur ou un brigand, ils le conduisent à un gros arbre, lui attachent au cou une corde solide et le suspendent à cet arbre où il reste pendu jusqu'à ce qu'il tombe en morceaux sous l'effet des vents ou des pluies.
On disait que, relativement à leurs principaux personnages, en cas de mort, ils font certaines choses dont la moindre est l'incinération. Je désirais en avoir une connaissance certaine et ne pus l'avoir, jusqu'au jour où j'ai appris la mort d'un homme considérable d'entre eux. Ils le placèrent dans sa tombe, qu'ils recouvrirent d'un toit, et l'y laissèrent pendant dix jours, en attendant qu'ils eussent terminé de lui couper et de lui coudre des vêtements.
SI le mort est un pauvre homme, ils lui construisent un petit bateau dans lequel ils le placent et qu'ils brûlent. S'il s'agit d'un homme riche, ils rassemblent sa fortune et en font trois parts, une pour sa famille, une pour lui faire couper des vêtements et une autre pour préparer le nabidh, qu'ils boiront jusqu'au jour où son esclave se tuera elle-même et sera brûlée avec son maître. Quant à eux, ils se livrent sans mesure à la consommation du nabidh, qu'ils boivent nuit et jour jusqu'au point que parfois l'un d'entre-eux meurt la coupe à la main.
(AR : ... Une autre part pour le coût de la boisson qu'ils consomment pendant les dix jours au cours desquels ils boivent, s'unissent sexuellement aux femmes et jouent des instruments de musique. Cependant, la jeune fille qui doit se brûler elle-même avec lui, dans ces dix jours-là, boit et se livre aux divertissements ; elle pare sa tête et sa personne de toutes sortes d'ornements et de parures, et, ainsi parée, elle se donne aux hommes)
Quand un grand personnage meurt, les gens de sa famille disent à ses filles-esclaves et ses jeunes garçons-esclaves : « Qui d'entre vous mourra avec lui? » L'un (l'une) dit « Moi ». Une fois qu'il (elle) a dit cela, la chose devient obligatoire et il est impossible de revenir là-dessus. S'il(elle) voulait revenir sur sa décision, on ne le (la) laisserait pas faire. Les plupart du temps, ce sont les filles-esclaves qui font cela.
Une fois que l'homme dont j'ai parlé plus haut est mort, on dit à ses fille-esclaves : « Qui mourra avec lui? ». L'une d'elles dit « Moi ». Alors on la confie à deux jeunes filles qui veillent sur elle et qui la suivent partout où elle va, au point que parfois elles lui lavent les pieds avec leurs propres mains.
On s'affaire autour du mort à lui coupe des vêtements et à lui préparer tout ce dont il a besoin. Pendant ce temps la fille-esclave chaque jour boit, chante, se livrant à la joie et aux réjouissances.
Quand arriva le jour où l'homme devait être incinéré et la fille avec lui, j'allai au fleuve sur lequel se trouvait son bateau. Je vis qu'on avait tiré le bateau sur la rive, qu'on avait planté quatre poteaux de bois Khadhank (Bouleau)et autre bois et que, autour de ces poteaux, on avait disposé de grands échafaudages de bois. Ensuite, on tira le bateau jusqu’à ce qu’il fût placé sur cette construction de bois.
Puis ils se mirent à aller et venir devant le bateau et à prononcer des paroles que je ne comprenais pas, alors que l’homme était encore dans sa tombe.
(AR : Le dixième jour, ayant tiré le bateau sur le bord du fleuve, ils le gardent. Au milieu de ce bateau ils disposent un pavillon à coupole, en bois, et couvrent ce pavillon de toutes sortes d'étoffes)
Puis ils apportèrent un lit, le placèrent sur le bateau et le couvrirent de matelas et de coussins en brocart grec. Ensuite vint une vieille femme qu'ils appellent l’Ange de la Mort, et elle étendit sur le lit les garnitures ci-dessus mentionnées. C'est elle qui est chargée de coudre et d’arranger tout cela et c‘est elle qui tue les filles-esclaves. Je vis que c’était une vieille luronne, corpulente, au visage sévère.
Quand ils furent arrivés à la tombe du mort, ils enlevèrent la terre de dessus le bois, puis le bois lui-même, et ils en sortirent le mort enveloppé dans le vêtement dans lequel il était mort. Je vis qu’il avait noirci à cause du froid du pays. Ils avaient mis avec lui dans la tombe du nabîdh, des fruits et une pandore [dambura]. Ils retirèrent tout cela. Le mort ne sentait pas mauvais et rien en lui n’avait changé sauf sa couleur. Ils lui mirent des pantalons, des chaussons, des bottes, une tunique et un caftan de brocart avec des boutons en or. Ils le coiffèrent d’un bonnet de brocart couvert de fourrure de martre. Puis ils le portèrent et le firent entrer dans le pavillon qui était sur le bateau, l’assirent sur le matelas et le soutinrent au moyen de coussins. Ils apportèrent ensuite du nabidh, des fruits et des plantes odoriférantes qu'ils mirent avec lui. Puis ils apportèrent du pain, de la viande et des oignons qu’ils placèrent devant lui. Puis ils amenèrent un chien qu’ils coupèrent en deux et jetèrent â côté de lui, puis ils prirent deux chevaux, les firent courir jusqu’à ce qu’ils fussent en sueur, puis ils les coupèrent en morceaux à coups de sabre et jetèrent leur chair dans le bateau. Ils amenèrent ensuite deux vaches qu'ils coupèrent en morceaux également et qu’ils jetèrent aussi dans le bateau. Ensuite, ils apportèrent un coq et une poule. les tuèrent et les jetèrent dans le bateau.
Cependant, la fille-esclave qui voulait être tuée allait et venait et entrait successivement dans chacun des pavillons que l’on avait construits et le maître de chacun de ces pavillons s'unissait sexuellement avec elle. Et il disait : « Dis à ton maître que je n'ai fait cela que par amour pour lui. »
(AR : Le dixième jour, après avoir sorti le mort au jour, ils le mettent à l'intérieur de ce pavillon et répandent auprès de lui différentes sortes de fleurs et de plantes aromatiques. Beaucoup d'hommes et de femmes se rassemblent, jouent d'instruments de musique, et chacun des parents du mort construit un pavillon à quelque distance de celui du mort. Tout d'abord, quand la jeune fille après s'être parée, se dirige vers les pavillons des parents du mort, le maître de chaque pavillon s'uni sexuellement une fois avec cette jeune fille, et quand il en a terminé avec cela, dit d'une voix forte : « Dis à ton maître que j'ai accompli le devoir d'amour et d'amitié ». Et ainsi, au fur et a mesure qu'elle passe devant les pavillons, jusqu'à la fin, tous les autres s'unissent sexuellement avec elle. Quand ils en ont terminé, ils coupent un chien en deux et le jettent à l'intérieur du bateau, puis, ayant tranché la tête à un coq, il le jettent à droite et à gauche du bateau).
Quand arriva le temps de la prière du 'asr, le vendredi, ils amenèrent la fille-esclave vers quelque chose qu’ils avaient fabriqué et qui ressemblait à un châssis de porte. Elle plaça ses pieds sur les paumes des mains des hommes et (fut soulevée en l'air et) surplomba ce châssis. Elle prononça là certaines paroles, puis ils la descendirent. Ils la firent monter une seconde fois et elle fit comme elle avait fait la première fois, puis ils la descendirent. Ils la remontèrent une troisième fois, et elle fit comme elle avait fait les deux premières fois. Puis ils lui apportèrent une poule, elle lui trancha la tête qu’elle lança. Alors ils prirent la poule et la jetèrent dans le bateau.
J’interrogeai l‘interprète sur ce qu'elle avait fait. Il me répondit : « Elle a dit la première fois qu’ils la soulevèrent : Voilà que je vois mon père et ma mère. Elle a dit la seconde fois : Voilà que je vois tous mes parents morts assis. Et elle a dit la troisième fois : Voilà que je vois mon maître assis au Paradis et le paradis est beau et vert ; avec lui sont les hommes et les jeunes gens, il m'appelle. Emmenez-moi vers lui. »
Ils partirent avec elle vers le bateau ; elle se dépouilla de deux bracelets qu’elle avait sur elle et les donna tous deux à la vieille femme qui est appelée l’Ange de la Mort — et c'est elle qui la tue —, puis elle se dépouille des deux périscélides (anneaux de cheville) qu'elle avait sur elle et les remit aux deux jeunes filles qui la servaient et étaient les filles de la femme appelée l’Ange de la Mort. Puis ils la firent monter sur le bateau.
Puis les hommes vinrent avec des boucliers et des bâtons. On lui apporta une coupe de nabîdh ; elle fit entendre un chant en la prenant et la but. L’interprète me traduit qu'elle disait ainsi adieu à toutes ses compagnes. Puis on lui remit une autre coupe ; elle la prit et resta longtemps à chanter tandis que la vieille femme l’excitait à boire et la pressait d'entrer dans la tente dans laquelle se trouvait son maître.
Je vis que la jeune fille avait l’esprit égaré ; elle voulut entrer dans le pavillon, mais elle mit la tête entre le pavillon et le bateau. Alors la vieille femme lui saisit la tête. la fit entrer dans le pavillon et entra avec elle. Les hommes se mirent à frapper avec les gourdins sur les boucliers afin qu’on n’entendît pas le bruit de ses cris, que les autres filles-esclaves ne fussent pas effrayées et ne cherchassent pas à éviter la mort avec leurs maîtres. Ensuite, six hommes entrèrent dans le pavillon et cohabitèrent tous, l’un après l’autre, avec la jeune fille. Ensuite, ils la couchèrent à côté de son maître. Deux saisirent ses pieds, deux autres ses mains ; la vieille appelée Ange de la Mort arriva, lui mit sur le cou une corde de façon que les deux extrémités divergeassent et la donna à deux hommes afin qu'ils tirassent sur la corde. Puis. elle approche d’elle, tenant un poignard à large lame, et elle se mit à le lui enfoncer entre les côtes et à le retirer tandis que les deux hommes l’étranglaient avec la corde, jusqu’à ce qu’elle fût morte.
Ensuite, l’homme le plus proche parent du mort, après qu’ils eurent placé la jeune fille qu’ils avaient tuée à côté de son maître, vint, complètement nu, prit un morceau de bois qu’il allume à un feu, puis marcha à reculons, la nuque tournée vers le bateau et le visage vers les gens qui étaient là, une main tenant le bûche allumée, l'autre posée sur l’orifice de son anus, afin de mettre le feu au bois qu’on avait préparé dans le bateau. Puis, les gens arrivèrent avec des bûches et autre bois à brûler, chacun tenant un morceau de bois dont il avait enflammé l’extrémité et qu’il jetait dans le bois entassé sous le bateau. Et le feu embrasa le bois, puis le bateau. puis la tente, l‘homme, la fille et tout ce qui se trouvait sur le bateau. Un vent violent et effrayant se mit à souffler. Les flammes devinrent plus fortes et l’intensité du feu s'accrut encore davantage.
Il y avait à côté de moi un homme des Rûs, et je l’entendis parler à l’interprète qui était avec moi. Je demandai à ce dernier ce qu’il avait dit. Il me répondit : « Il dit : Vous autres Arabes, vous êtes des sots. » — Pourquoi? lui demandai-je. — Il dit : « Vous prenez l'homme qui vous est le plus cher et que vous honorez le plus, vous le mettez dans la terre et les insectes et les vers le mangent. Nous, nous le brûlons dans le feu en un clin d’œil. si bien qu'il entre immédiatement et sur-le-champ au paradis. » Puis il se mit à rire d’un rire démesuré. Je lui demandai pourquoi il riait et il dit : « Son Seigneur, par amour pour lui, a envoyé le vent afin qu’il l’enlève en une heure ». Et réellement, il ne s'était pas écoulé une heure que le bateau, le bois, la fille et son maître n’étaient plus que cendres et poussière.
Ensuite, ils construisirent à l’endroit où se trouvait ce bateau qui avait été tiré hors du fleuve quelque chose ressemblant à une colline ronde et dressèrent au milieu un grand poteau de bois khodhank, y inscrivirent le nom de l’homme et celui du roi des Rûs et s’en allèrent.
Une des habitudes du roi des Rûs est d'avoir avec lui, dans son palais, quatre cents hommes qui sont les plus braves de ses compagnons et des hommes sur lesquels il peut compter. Ce sont des gens qui meurent avec lui et se font tuer pour lui. Avec chacun d'eux est une fille-esclave qui le sert, lui lave la tête et lui prépare tout ce qu'il mange et boit, et une autre fille-esclave avec qui il cohabite. Ces quatre cents hommes siègent au dessous du trône du roi, ,trône qui est immense, et incrusté des plus fines pierres précieuses. S'asseyent avec lui sur le trône quarante filles-esclaves destinées à son lit. El il arrive qu'il cohabite avec l'une d'elles en présence de ses compagnons dont nous avons parlé, sans qu'il descende de son trône. Quand il veut faire ses besoins naturels, il les faits dans une cuvette. S'il veut monter à cheval, on fait avancer le cheval jusqu'à son trône, et il le monte. S'il veut descendre de cheval, il fait avancer le cheval de sorte qu'il puisse en descendre directement sur le trône.
Il a un lieutenant qui commande les troupes, livrer bataille aux ennemis et le remplace auprès de ses sujets.
--ooOOoo--
(Tiré du récit « Voyage chez les bulgares de la Volga » de l'ambassadeur ibn-Fadlan) .